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Jouer collectif dès la pré-installation

Sensibiliser des repreneurs potentiels, réunir les partenaires, signer des conventions pour faciliter la transmission, la formation, faire circuler l’info… Autant d’actions collectives qui ne peuvent que favoriser la réussite de toute installation.

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Comment réussir à être complémentaire sur un département, sur un bassin de production ? C’est une question que se pose Martial Pouzet, conseiller à la chambre d’agriculture de Charente. Il estime en effet que « l’installation ne peut être le sujet d’une seule structure » et aspire notamment à une approche collective dans la recherche de futurs candidats, donc bien en amont de l’installation. Même si à ce jour, en toute logique, les chambres d’agriculture sont perçues de loin comme le premier interlocuteur en matière d’installation (lire ci-contre). Elles sont en effet un passage obligé dès lors que le jeune souhaite accéder au dispositif d’aides.

Le monde agricole inspire

Cette question du collectif mérite l’attention de tous les partenaires de l’exploitation agricole, « de plus en plus attentifs au public des jeunes agriculteurs », constate Benoît Leygnier, directeur du département Études AdHoc chez ADquation, lors de la présentation de l’enquête réalisée pour nos 13es Rencontres Agrodistribution. D’autant plus que le hors-cadre familial devrait s’amplifier pour représenter, d’ici à dix ans, 50 % des installations. « Mais cela va dépendre de la politique adoptée : va-t-on raisonner en volumes ou en nombre d’agriculteurs ? », observe Martial Pouzet, dont la chambre d’agriculture a fait de l’installation son fil rouge, depuis les dernières élections.

Ce qui peut sembler cependant étonnant, c’est que malgré l’ambiance d’agribashing, les porteurs de projet ne fléchissent pas. « Au niveau des points accueil et installation (PAI), nous n’avons jamais eu autant de projets s’intéressant au monde agricole. » À la chambre de Charente, 200 à 230 personnes viennent chaque année frapper à la porte du PAI pour de l’information ou des projets à horizon quatre à cinq ans. Pour aboutir, au final, à 80 installations par an, aidées ou non.

Sensibiliser les salariés agricoles

Sur le territoire national, ce sont 9 500 jeunes de moins de 40 ans installés en 2017, dont deux tiers en grandes cultures, lait, polyculture-élevage, viticulture et viande bovine, des secteurs au taux de renouvellement de la population de chefs d’exploitation autour de 3 %. En arbo, maraîchage, horticulture, volaille, ovins ou caprins, ce taux varie de 4 à 6 %, mais la pérennité est plus faible.

Aujourd’hui, dans la perspective des 50 % d’exploitants à la retraite d’ici à dix ans, la priorité est de trouver des jeunes qui acceptent de s’installer, notamment dans les principales productions. Car si le secteur agricole suscite quelque intérêt, une partie des nouveaux venus arrive avec des projets assez atypiques, comme le relate Christophe Grison, président de Valfrance : « Nous observons sur notre zone de nombreuses installations hors cadre familial, avec des néo-urbains et des productions que la coopérative ne collecte pas. Ils ne nous connaissent pas, pas plus qu’ils ne connaissent la chambre d’agriculture bien souvent, car ils passent par des syndicats plutôt minoritaires. »

Ce mouvement en croissance est confirmé par Martial Pouzet, qui voit arriver de nouveaux agriculteurs « avec des productions qu’on ne connaît pas, qui sortent du conventionnel pour répondre à une demande sociétale. Nous ne savons pas quelle posture adopter avec eux, ni comment vraiment les accompagner. Avons-nous l’ouverture d’esprit suffisante pour les accepter ? Ils peuvent faire du bon travail, mais s’ils ne sont pas acceptés sur le territoire, ça va être plus compliqué pour eux. »

Développer une approche collective dans le recrutement de nouveaux candidats à l’installation peut donc être une voie à explorer. « Nous pourrions sensibiliser les salariés agricoles des ETA, des coopératives ou négoces ou de tout autre organisme dans l’entourage de l’agriculteur », ajoute le conseiller de chambre charentais.

Centraliser les plans jeunes

D’autre part, le point accueil et installation pourrait être un lieu de centralisation des programmes jeunes des divers partenaires, car il y a un manque de lisibilité sur ce que font les uns ou les autres. Le projet du futur installé pourrait alors prendre en considération, en amont, les aides proposées par une coopérative ou un négoce.

Une fois le projet défini au niveau de la chambre d’agriculture, l’ensemble des partenaires potentiels du jeune pourraient entrer en scène, comme le suggère Jean-Yves Deslandes, référent en installation chez Triskalia, pour les bovins lait et viande. Un poste créé il y a trois ans par le groupe coopératif, les premiers référents ayant été mis en place il y a quinze ans en élevage porcin. Autant, pour la transmission ou le préprojet d’installation, Jean-Yves Deslandes oriente vers les chambres d’agriculture, « là où sont les compétences », autant il estime incontournable la mise en place d’un tour de table collectif une fois le projet avancé. Quitte à « passer par la fenêtre », il s’est lancé le défi de réunir banque, comptable et chambre et, bien sûr, la coopérative autour du jeune candidat pour anticiper son projet et éviter « d’être à côté de nos pompes ». « Quand on sait qu’en année 1 il y a un déficit de trésorerie, et qu’en année 2 on va stabiliser la situation, et qu’en année 3 on bascule dans le positif, on va pouvoir gérer le déficit de l’année 1 en le budgétant. Mais si chacun joue dans sa cour, le déficit de trésorerie se retrouve où ? Chez le fournisseur, c’est-à-dire nous, qu’on n’a pas voulu rencontrer avant et à qui on le fait supporter. » Pour le conseiller breton, ce travail collectif est indispensable afin que le jeune puisse se consacrer plus sereinement à la mise en route de son activité.

Responsable du programme Atouts jeunes, Jean-Albert Massenet partage aussi cette notion de responsabilité collective. « Il y a un projet, il y a un jeune et il faut qu’on se mette en capacité collective de l’accompagner, de lui laisser le temps de la découverte et le temps de cheminer. Nous avons tous une responsabilité collective quand on accompagne un jeune : l’aider à réussir. »

Le projet collectif expertis

Même s’il existe une grande marge de progression pour cette responsabilité collective et les actions qui vont avec, des projets communs sont déjà en vigueur sur le terrain. Ils tendent à se développer ces dernières années. Ainsi, des chartes sont passées avec les JA, à l’instar de celle que vient de signer la coopérative Scar en Dordogne. Des conventions relient divers organismes comme celle signée, en avril dernier, entre la coopérative Océalia (Charente) et la Safer.

Le collectif s’est mis aussi en marche avec le projet Expertis lancé par le syndicat des JA, à la suite d’un appel à projet du ministère de l’Agriculture. L’objectif est d’apporter un conseil personnalisé au cédant, avec un panel complet d’expertises, et de l’accompagner dans son passage de relais. Ce projet est entré dans sa phase de test cette année dans le Centre-Val-de-Loire. Une charte a été signée avec plusieurs partenaires : Coop de France, chambres, Safer, assureurs, MSA et des juristes. « L’idée est d’avoir une bonne estimation de la valeur de l’exploitation du cédant, de cerner les ateliers à continuer ou arrêter, et de faciliter la mise en relation, si besoin, avec un repreneur », explique Sylvain Marcuard, vice-président des JA du Centre-Val-de-Loire. Si la phase de test est concluante, cette initiative collective pourrait être élargie à d’autres régions.

C’est aussi ce que prévoit Vivea, de dupliquer dans d’autres délégations le partenariat conclu entre Vivea Ouest et Coop de France Ouest il y a trois ans et reconduit cette année.

Partenariat dans la formation

« Nous avons trois objectifs via cette convention : développer la formation des agriculteurs à la prise de responsabilité dans les coops, développer la formation pour tous les coopérateurs autour de la multiperformance de l’exploitation et la formation des jeunes installés », détaille Marina Rigny, déléguée de Vivea Nord-Ouest, qui devrait développer aussi une telle initiative avec les coops de sa région. D’autant plus que la convention établie dans l’Ouest a permis de faire progresser sur le terrain le nombre de formations mises en place.

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